Haut, très Haut
Retrouver à la salle Pleyel le vrai Pollini a été pour moi une grande joie, après ma déception de 1997. En guise de préliminaire, il nous offre, de Beethoven, les 11 Bagatelles de 1804 puis les 6 autres Bagatelles
de 1824. La grâce des premières comme la profondeur des secondes sont traduites avec des nuances, des effets soudains de pédale, des recherches dans
le toucher d'une jolie discrétion, ce qui n'empêche pas Pollini d'éxagérer
parfois la brutalité de certains accents. Et puis, inopinément, nous le surprenons à nous dévoiler qu'il possède une belle voix de baryton...
Mais c'est après l'entracte que Maurizio Pollini va nous éblouir de tout son talent, celui d'un minutieux et enthousiaste architecte de la matière sonore.
En cinquante minutes, il va nous proposer une somptueuse exécution des Variations Diabelli, oeuvre prophétique d'un Beethoven coupé de toute référence
avec le monde extérieur depuis plus de 10 ans. 33 variations,33 microcosmes
d'un univers intérieur totalement réinventé et recréé. Une difficulté technique permanente, née souvent de l'absence totale de repères avec le monde des
sons dont souffre Beethoven. A chaque fois c'est un nouveau monde clos qu'il faut reconstruire, faire vivre et exister. De variation en variation,Maurizio
Pollini déploie le grand jeu d'une intelligence suraiguë, doublée d'une sensibilité qui ne se refuse aucun effet. C'est là un travail titanesque qui prend
une allure proche du génie dans les douze dernières variations, après l'allusion à Figaro dans la 22ème. Maurizio Pollini nous emporte haut, très
haut, culminant dans une Fugue fabuleuse et dans un Menuetfinal
inoubliable. Une exécution qui a laissé le public justement émerveillé, conscient d'avoir eu droit à quelque chose d'extrêmement rare.
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Pierre Petit, le Monde du Vendredi 21 Mai 1999